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Blog Editor

August 26th, 2014

La Grande Guerre en Afrique : La notion d’honneur, s’est révélée être un facteur de motivation pour certains soldats camerounais, ayant combattu pour l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale.

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La Grande Guerre en Afrique : La notion d’honneur, s’est révélée être un facteur de motivation pour certains soldats camerounais, ayant combattu pour l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale.

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George Njung examine le rôle que l’honneur a joué dans la décision qui a poussé les camerounais à se battre pour l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale.

La relation existant entre l’honneur et les actions militaires des Africains n’a été jusqu’à présent que très peu étudiée, par les historiens de la Première Guerre mondiale en Afrique. Les motivations des soldats coloniaux africains ont été amalgamées dans la catégorie politique économique du colonialisme. Ces soldats, soutiennent certains universitaires, répondaient soit aux avantages financiers procurés par leur engagement dans le combat pour l’état colonial, ils paient l’impôt du sang, soit ou ils étaient contraints à devenir soldats par le régime colonial qui devait suivre le modèle capitaliste du colonialisme (Parsons 1999; Echenberg 1995). Un défi pour le cadre social et du travail a été posé par ce que Jay Winter (1992:88) appelle ‘une nouvelle histoire culturelle de la Grande Guerre.’ Selon le cadre historique social les soldats africains n’avaient aucune formation militaire européenne. Malgré cela, les centaines de soldats locaux déployés sur le champ de bataille par les deux belligérants européens, n’ont reçu, au Cameroun, qu’une formation militaire rudimentaire ou nulle. Il n’y avait pas non plus assez de motivations matérielles qui incitaient les Africains non seulement à se tuer eux-mêmes mais aussi à tuer les Européens sur le front de bataille. Même si la guerre est sans aucun doute l’une des expériences centrales à avoir façonné l’humanité, le cadre historique social ne présente pas l’histoire militaire (Africaine) dans son intégralité (Purseigle et Macleod 2004).

Défilé de l’unité camerounaise
Défilé de l’unité camerounaise

La question fondamentale est de savoir comment justifier la réaction enthousiaste des soldats camerounais lors de la campagne camerounaise de la Première Guerre mondiale ? Lorsque l’Allemagne a demandé à la Grande-Bretagne et à la France de limiter les affrontements à l’Europe, ceux-ci l’ont ignorée et ont choisi d’envahir le Cameroun allemand en septembre 1914. Lorsque l’expédition franco-britannique a envahi le pays, les Allemands n’avaient qu’environ 1500 Camerounais dans la schutztruppe[i]. Une armée locale de plus de 10,000 hommes a cependant été très vite levée. Selon des recherches préliminaires, beaucoup de ces hommes avaient été enrôlés de forcedans l’armée allemande. Mais la recherche démontre également qu’un nombre supérieur répondait à l’une des valeurs du militarisme : ‘l’honneur des hommes’, c’est à dire que l’honneur d’un homme repose sur sa volonté et capacité à prendre les armes, se battre, tuer et/ou se faire tuer. On estime qu’environ 20,000 Camerounais se sont enrôlés pour le service militaire dans le camp allié pour combattre les Allemands débarqués au Cameroun. Pourtant, ces soldats n’ont reçu que peu ou pas de motivation matérielle les incitant à se battre. L’honneur militaire a sans doute été l’élément qui a facilité leur choix.

Si ailleurs l’explication de cette invocation militaire se base sur des facteurs intangibles tels le patriotisme et l’honneur, cela ne peut-il pas également s’appliquer à l’Afrique ? Comme partout dans le monde, des forces aussi bien tangibles qu’intangibles ont entraîné à la guerre des soldats africains. Michelle Moyd, a récemment (en 2011) tenté d’examiner dans ses écrits comment les facteurs tangibles tels les avantages financiers, le droit au plaisir sexuel avec des femmes, et les intangibles comme l’honneur, avaient déterminé la décision des Africains de l’Est à devenir des hommes de combat dans la force de maintien de l’ordre allemande. Michelle Moyd, démontre également comment le militarisme askari reposait sur plusieurs types d’honneur, tous étroitement liés. Les subjectivités masculines sont l’élément clef qui a poussé les Askari à entrer dans l’armée. Moyd indique que ce sont des piliers d’auto compréhension (formes d’honneur et identité) qui ont encouragé les Africains à remplir un rôle de combattant soit dans la formation militaire allemande soit dans les guerres anticoloniales. Moyd s’est bien évidemment inspirée, parmi tant d’autres, de la brillante œuvre de John Ileffe sur l’honneur dans l’histoire africaine (Honor in African History). Selon Ileffe, l’honneur était la principale motivation idéologique du comportement africain avant, pendant et après le régime colonial. Il définit l’honneur comme ‘un droit au respect’, ainsi que la volonté et la capacité de l’individu d’imposer ce respect. La question de l’honneur semble s’être mêlée à la masculinité militaire, à l’effort des hommes pour gagner et défendre le respect. Dans beaucoup de régimes africains, les hommes se définissaient hommes car ils prenaient facilement les armes et se défendaient, défendaient leurs femmes et enfants contre les forces externes.

En 2002, j’ai demandé à un camerounais notable (Kom) ce qu’il considérait être l’attraction derrière les rôles de combat camerounais dans la guerre. Sans même faire de pause, il m’a aussitôt répondu : ‘pour gagner le respect’. Il était d’avis que le métier des armes était souvent une invocation masculine, dans laquelle les hommes cherchaient à maintenir leur honneur à travers le combat. Par conséquent, afin d’être sur un pied d’égalité avec d’autres soldats africains de la guerre, je propose que nous cherchions à comprendre le comportement des soldats camerounais durant le conflit, pas simplement sur la base d’attractions financières ou même la contrainte pendant la mobilisation européenne et conscription, mais aussi d’après le regard des soldats sur leur propre monde ainsi que leurs subjectivités envers celui-ci. Pour montrer que l’honneur était plus important que les moyens matériels et la contrainte, les soldats camerounais n’ont pas abandonné leurs camarades allemands, même après leur défaite et départ du territoire en 1916. À l’époque, les Allemands ne pouvaient plus rémunérer les soldats, toutefois plus de 6,000 combattants camerounais les ont suivis à Rio Muni, lieu de refuge en Guinée espagnole. On aurait difficilement pu trouver acte plus honorable et professionnel de la part d’un groupe de soldats.

Ces questions d’honneur ont contribué à la facilité avec laquelle les Européens mobilisaient, recrutaient ou enrôlaient et déployaient des Camerounais pour servir sur le territoire pendant la guerre. Mais elles compliquaient également la situation, en effet, les Camerounais devaient choisir leur camp, soit les Alliés soit les Allemands, le résultat immédiat était la fuite dans la brousse afin d’échapper aux recruteurs européens. Ceci est une question compliquée qui nécessite des études historiques plus approfondies.

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George Njung est un candidat au doctorat à l’université du Michigan, Ann Arbor aux Etats Unis.

 

[i]Les forces de maintien de l’ordre

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Posted In: Conflict | International Affairs

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