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Blog Editor

August 11th, 2014

#GrandeGuerreEnAfrique – La Guinée Equatoriale et les Schutztruppe allemands pendant la Première Guerre Mondiale

3 comments | 1 shares

Estimated reading time: 5 minutes

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Mahon Murphy de la LSE interroge la loyauté des soldats Camerounais qui ont combattu auprès des Allemands pendant la Première Guerre Mondiale.

Les combats pour le contrôle du Cameroun pendant la Première Guerre Mondiale ont impliqué cinq empires (la Grande Bretagne, la France et la Belgique contre l’Allemagne, avec l’Espagne, neutre, en arrière-plan) et ont été limités au territoire de ce pays. Coupés de leurs ressources par les Anglais, La France contrôlant la mer, et cernés sur terre, les soldats allemands s’acheminaient vers une défaite et la menace de l’emprisonnement et du travail forcé dans les camps de Dahomey (Bénin). Leur seule alternative restait de battre en retraite vers le Sud à travers le fleuve Campo pour entrer dans le Rio Muni sous contrôle espagnol. Cette armée se composait d’approximativement 200 officiers allemands, 6000 Schutztruppe (des troupes recrutées au Cameroun), 6000 femmes camerounaises et environ 4000 serviteurs et porteurs.

Les troupes camerounaises entrainées par les Allemands étaient reconnus comme étant d’excellents combattants
Les troupes camerounaises entrainées par les Allemands étaient reconnus comme étant d’excellents combattants

Le gouverneur de la Guinée Espagnole (la Guinée Equatoriale), Ángel Barrera y Luyando, à l’image de la majorité des élites militaires espagnoles, était pro-allemand. Il perçut la possibilité d’obtenir la décoration militaire « prussienne » tant convoitée avant la guerre si ses charges Allemandes étaient bien traitées. A leur arrivée à Rio Muni au milieu de l’année 1916 et après s’être rendus aux autorités espagnoles, les officiers allemands et 3000 Schutztruppe furent amenés à la capitale sur l’île de Fernando Po par Barrera pour y être emprisonnés jusqu’à la fin du conflit en Europe.

Barrera pensa que se présentait à lui une excellente opportunité de développer l’agriculture en Guinée Espagnole : des projets furent élaborés afin de mettre les Camerounais au travail dans des fermes et des plantations de Fernando Po et Rio Muni. Cependant, au grand désarroi de Barrera, les troupes camerounaises très entrainées qui, selon l’ambassadeur Britannique en Espagne, Arthur Hardinges, « méprisaient l’agriculture et tous les travaux manuels, bons pour les esclaves seulement », ne se montrèrent pas enclin à s’installer dans une vie de fermier sur l’île et refusèrent totalement de travailler.

De surcroît, sur Fernando Po, les troupes allemandes dépassaient de loin en nombre les modestes garnisons espagnoles, et les « prisonniers », devenus à présent les geôliers, commencèrent à ouvertement s’entrainer et préparer la reconquête du Cameroun. Ceci poussa la France et la Grande-Bretagne à menacer la colonie espagnole d’invasion si le Roi d’Espagne ne reprenait pas le contrôle de la situation. En réponse à cette menace, les officiers allemands furent envoyés en Espagne où ils furent détenus dans un certain luxe dans des villas à travers le pays.

Les Betis ( qui représentaient la majorité des Schutztruppe au Cameroun) avaient parié sur la victoire des Allemands en Europe et étaient confiants qu’après la guerre le Cameroun reviendrait aux mains des Allemands. Le meneur des Betis, Karl Atangana, qui avait été formé par l’administration Allemande et avait vécu à Hambourg, avait été déclaré Chef supérieur juste avant que la guerre n’éclate. Atangana pouvait non seulement parler allemand couramment, mais portait aussi des vêtements à la mode allemande et s’était fait construire une maison dans le style colonial européen. De plus, en août 1916, une des filles d’Atangana, Katerina, était partie étudier à Limbourg en Allemagne. Autant d’éléments qui démontre le grand intérêt que portait Atangana pour l’Allemagne. Lui et d’autres chefs Betis représentaient une partie de l’élite de classe moyenne et avaient beaucoup à perdre dans la défaite de l’Allemagne. Contrairement à l’idée du Ministère des Affaires Etrangères britannique qu’une fois les Allemands partis de Fernando Po, les Camerounais chercheraient tous à retourner dans leur pays, Atangana avec six autres chefs Betis suivèrent les officiers allemands en Espagne.

A la Conférence de Paix de Paris en 1919, l’espoir que les alliés victorieux laissent à l’Allemagne le contrôle de ses territoires africains était mince. Les chefs Betis firent pression sur le Roi Alfonso XIII d’Espagne pour qu’il soutienne le retour du Cameroun sous l’autorité Allemande. Cependant, malgré sa folie des grandeurs, Alfonso n’était pas un décideur à Paris et aucun des pouvoirs vainqueurs n’était prêt à renoncer à des possessions conquises au prix du sang. Le Cameroun fut placé sous mandat de la Société des Nations administré par la France. Les Betis, et plus particulièrement Karl Atangana, s’adaptèrent toutefois très bien à l’administration française, et les chefs retournèrent au Cameroun en 1920.

Alors que l’histoire de la retraite des Allemands en Guinée Espagnole n’est en réalité qu’un détail de la Première Guerre Mondiale en Afrique, elle nous révèle des éléments importants sur la loyauté des soldats africains pendant le conflit. Malgré la propagande de l’entre-deux guerres représentant le soldat africain comme éternellement fidèle, la réalité était que ces hommes se considéraient comme des soldats professionnels et comprenaient parfaitement ce qu’ils avaient à perdre et à gagner selon le résultat de la guerre et agissaient en conséquence. A son retour au Cameroun, Karl (maintenant rebaptisé Charles) réaffirma son statut de Chef Supérieur des Betis, et conduit même une tentative de « démocratie » de style espagnol qui échoua. Même si les autorités françaises ne lui firent jamais confiance en raison de ces liens avec l’Allemagne, Atangana demeura un homme important de l’administration française jusqu’à sa mort en 1943.

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Mahon Murphy est étudiant en doctorat dans le département d’histoire internationale de la LSE. Suivez-le sur twitter @mahonmurphy.

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Posted In: Conflict | International Affairs

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