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Tim Allen

Anna Macdonald

July 3rd, 2019

La politique de retour : un programme de recherche

0 comments

Estimated reading time: 10 minutes

Tim Allen

Anna Macdonald

July 3rd, 2019

La politique de retour : un programme de recherche

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Le professeur Tim Allen et le Dr. Anna Macdonald discutent des raisons pour lesquelles, il devient plus que nécessaire d’entreprendre des recherches sur les dynamiques de retour, et de réintégration des réfugiés en Afrique centrale et orientale.

Cet article fait partie de notre collection d’articles sur la Politique de Retour, un projet financé par l’AHRC, ESRC et PaCCs, et qui explore les dynamiques du processus de retour et de réintégration des réfugiés en Afrique centrale et orientale.

Bien que certains considèrent qu’au 21e siècle, la guerre est un phénomène en déclin, d’autres pensent que cette dernière a simplement évolué pour adopter de nouvelles formes. En 2015, Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNCHR), a annoncé que le nombre de populations déplacées dans le monde avait atteint un niveau record. Une tendance qui peut notamment s’expliquer par l’augmentation croissante des violences, et persécutions causées par les conflits armés et autres instabilités sévissant dans certaines régions du monde. Un an plus tard, l’UNHCR a tiré la sonnette d’alarme, indiquant que ce chiffre ne cesse de s’accroitre et que la complexité de la crise migratoire à laquelle certains pays font face est presque sans précédent. Pire encore, il a été démontré qu’aujourd’hui 1 personne sur 122 est soit un réfugié, soit une personne déplacée ou cherchant asile à l’étranger. À travers le monde, des personnes sont arrachées de leur foyer alors qu’elles tentent d’échapper à des conflits profondément violents, impliquant non seulement des armées étatiques, mais également des groupes rebelles, des gangs criminels, des trafiquants de drogue et des djihadistes. Pour rendre les choses plus compliquées, les individus occupent souvent des statuts ambigus de victime auteur, passant d’un rôle de combattant à un rôle de civil, soit par contrainte, soit par choix.

Dans les médias, il semble que ce soit la crise migratoire en Europe qui attire les plus gros titres et pourtant, la grande majorité des réfugiés, qui représente environ 86 %, se trouve aujourd’hui dans les pays en développement. Le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, Jan Egeland, a récemment déclaré « qu’à la fin de 2016, le nombre de personnes cherchant chaque jour refuge en Ouganda est plus élevé que ce que beaucoup de pays européens riches ont reçu toute l’année ». Dans ce contexte, on parle beaucoup de la nécessité de trouver des « solutions durables » pour les personnes qui ont été déplacées de manière forcée. Les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies rappellent que les réfugiés, et les personnes déplacées, ont le droit de retourner dans leur pays de citoyenneté. L’UNHCR ajoute qu’en Afrique et ailleurs, le fait de rentrer chez soi représente la « solution durable ». Parallèlement, il est reconnu que « le retour et la réintégration des réfugiés ne consistent pas uniquement à un simple renversement de situation, mais plus à un processus dynamique impliquant des individus, des ménages et des communautés qui ont changés à la suite de leurs expériences ».

Notre nouveau projet de recherche, financé par une bourse d’études décernée par le partenariat AHRC/ESRC pour la recherche sur les conflits, la criminalité et la sécurité, vise à combler les grandes lacunes dans les connaissances actuelles sur le « cycle de vie » des conflits grâce à une étude interdisciplinaire sur « les retours » des populations en Afrique centrale et orientale. En concentrant nos efforts de recherche sur la République centrafricaine (RCA), la République Démocratique du Congo (RDC), le Soudan du Sud et le nord de l’Ouganda, nous voulons comprendre ce qui se passe lorsque les réfugiés et les personnes déplacées « retournent chez eux ». En analysant la façon dans laquelle les réfugiés, les personnes déplacées et les anciens combattants surmontent et vivent leur « retour », nous déterminerons quels sont les modes de vie durable qui sont établis par ces derniers sous les auspices d’une intervention internationale, ou par d’autres moyens.

Nous savons par exemple, très peu de choses au sujet de la dynamique de retour à long terme des anciens combattants. À ce jour, le nombre de recherches effectuées dans ce domaine est très limité. De plus, ces dernières ne mettent en avant que les risques, et les menaces auxquelles sont confrontées les populations qui retournent dans leur pays de citoyenneté. Elles indiquent particulièrement la probabilité pour les civils rapatriés de ne pas se réinstaller dans leurs anciens lieux de résidence, et la probabilité qu’ils continuent de se retrouver piégés dans des conflits armés.

Dans la littérature politique et une grande partie de la littérature académique, les problèmes associés au retour des populations dans leurs pays natals ont tendance à être adressés par des paradigmes standardisés ou semi-standardisés tels que « le désarmement, la démobilisation et la réinsertion » (DDR), la « justice transnationale » (JT) et le « soutien psychosocial » (SPS). Ces processus uniformisés sont souvent inclus dans les opérations de consolidation de la paix des Nations Unies et autres organismes donateurs, et attirent un financement externe considérable malgré le manque de preuves quant à leur impact réel. Des preuves de ce qui se passe réellement sur le terrain peuvent être difficiles à trouver. De plus, on ne peut pas prévoir le moment ou les populations vont recommencer à se déplacer, ni le moment ou les vétérans d’un groupe violent deviendront les nouvelles recrues d’un autre groupe.

Ces réfugiés de la RDC ont choisi de vivre avec des parents qui se trouvent du côté ougandais de la frontière entre le RDC et l’Ouganda. Cependant, ils traversent de nouveau cette même frontière tous les jours pour pouvoir s’occuper de leurs fermes, et retournent du côté ougandais dans la soirée.

Le projet de la « Politique de retour » s’appuiera sur des méthodes participatives et ethnographiques issues de multiples disciplines (l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, les sciences politiques et les études du patrimoine), afin d’analyser les expériences vécues par ceux qui tentent de construire, et reconstruire les communautés dans des zones touchées par des conflits en Afrique centrale et orientale. Notre recherche implique de multiples approches et examine de nombreux sujets, mais sera articulée autour d’une même idée principale : la recherche et les approches méthodologiques seront guidées par les réalités sur le terrain. Nous nous inspirerons des connaissances et des expériences locales, dans le but de nous assurer que la recherche est essentiellement « coproduite ». Nous ferons notamment appel à des collaborations de longue date avec des chercheurs académiques, des ONG locales et les populations. Ces collaborations incluent d’importants partenariats avec l’Université de Gulu, le Réseau de l’Initiative pour la Jeunesse Africaine dans le Nord de l’Ouganda et Action pour la Promotion Rurale, l’Établissement d’Enseignement Supérieur de Bukavu, le Centre d’Études Politiques, et l’Université de Kinshasa, tous en RDC.

Nous voulons comprendre comment les méthodes courantes d’édification de la paix en faveur des retours influencent les populations sur le terrain — celles qui doivent surmonter de façon quotidienne, la réalité des conflits et leurs héritages. Nous voulons également examiner les processus qui sont constamment mis de côté par les acteurs internationaux, tels que, les notions associées aux mondes spirituels, la probité morale, les croyances religieuses, et les pratiques coutumières liées à la guérison collective et individuelle. Notre recherche interdisciplinaire ira, au-delà d’un simple mode d’emploi décrivant comment les populations peuvent retourner dans leur pays d’origine. Elle se concentrera spécifiquement sur la façon dans laquelle, les processus de retour et de réintégration façonnent, et refaçonnent l’autorité publique et la conscience collective remettant en cause si nécessaire, toute transition présumée linéaire vers la vie « civile » et la « paix ». Là où les choses se sont déroulées de façon pacifique, nous voulons savoir comment la coopération devient possible, dans des circonstances de stress social aigu. Lorsque ce n’est pas le cas, nous voulons savoir pourquoi la violence persiste et devient endémique. Nous espérons que cette recherche nous permettra de mieux comprendre la réalité empirique de la réparation sociale (ou de son absence) dans les contextes de déplacement et de retour des populations, et de placer les expériences africaines actuelles dans des contextes comparatifs plus larges.

Visitez le site sur la Politique de Retour pour en savoir plus.

Photo: UN Women/Carlos Ngeleka

About the author

Tim Allen research

Tim Allen

Tim Allen is a Professor in the Anthropology of Development at LSE. He is Director of the Firoz Lalji Centre for Africa and the Centre for Public Authority and International Development.

Anna Macdonald

Anna Macdonald

Dr Anna Macdonald is an Associate Professor in Global Development, University of East Anglia and Senior Visiting Fellow at the Firoz Lalji Institute for Africa at the LSE

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