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Papy Muzuri

October 2nd, 2020

Les AVECs, solution innovantes pour les femmes chefs de ménages de Goma, RDC

0 comments | 23 shares

Estimated reading time: 4 minutes

Papy Muzuri

October 2nd, 2020

Les AVECs, solution innovantes pour les femmes chefs de ménages de Goma, RDC

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Dans ce blog, Papi Muzuri nous fait découvrir les AVECs. Ce sont des associations qui permettent aux membres inscrits de pouvoir s’octroyer des crédits et épargner ; tout cela dans le but de développer leurs petits commerces et faire face aux difficultés financières du quotidien (Ex : naissances, deuils, mariages). Il présente les origines, le fonctionnement et l’impact de ces associations à Goma, notamment sur la vie des ménages à faibles revenus dirigés par des femmes. Voyant la popularité et le succès de ces associations, l’auteur recommande de formaliser et d’étendre ces associations à l’échelle de la République Démocratique du Congo.

Ce blog fait partie du projet Idjwi, un projet qui résulte d’une retraite d’écriture organisée sur l’île d’Idjwi située au lac Kivu, en RDC. Au cours de cette retraite en novembre 2019, des chercheurs se sont réunis pour redéfinir et présenter leurs sujets de recherches.

Les Associations Villageoises d’Epargne et de Crédits (AVEC) sont des coopératives indépendantes de petits commerçants, situées à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). La majorité des membres des AVECs sont des femmes pauvres luttant contre la précarité de l’Est de la République Démocratique du Congo, une région touchée par le conflit. À Goma, ces associations sont essentielles pour la survie des ménages. Ces petites commerçantes vendent des fruits, des légumes et d’autres produits tels que la farine et l’huile. Ces articles sont le long des routes, sur des tables installées en face des maisons, ou dans des quartiers.

Les AVECs permettent aux femmes d’avoir accès aux institutions de microfinance en tant que groupe. Les crédits octroyés donnent aux femmes la possibilité de payer leur loyer, les frais de scolarité de leurs enfants et de faire les courses pour leurs ménages. De plus, ces fonds leur permettent de développer leurs commerces.

Comprendre l’importance de ces associations revient à s’attarder sur les origines et le fonctionnement de celles-ci, mais aussi comprendre les difficultés quotidiennes et les moyens de subsistance des femmes à la tête de petits commerces. Ainsi, on pourra appréhender la manière dont l’adhésion à ces associations améliore le quotidien des ménages.

Comment fonctionnent les AVECs ?

Les AVECs ont été créés à Goma en 2007 par la CARITAS, une organisation caritative de l’église catholique qui s’occupe de projets de développement dans des diocèses. Le but était d’encadrer et d’aider les populations démunies en leur donnant des fonds pour démarrer leurs commerces. Ces fonds devaient être remboursés dans un délai maximum de 3 mois. Le remboursement était effectué chaque semaine et la somme à payer était  déterminée par les membres du comité.

Jusqu’à ce jour, les AVECs fonctionnent de la même manière. Elles sont le résultat d’un rassemblement de personnes se connaissant depuis longtemps et se réunissant sur la base d’une confiance mutuelle pour s’entraider. Au-delà des fonds octroyés pour le soutien aux entreprises, les membres d’une même AVEC investissent dans un Fonds de Solidarité. Ce fonds est créé afin de résoudre les difficultés financières des adhérents notamment en cas de maladies, de deuils et de naissances. Il est approvisionné par les cotisations hebdomadaires des membres ; la cotisation étant comprise entre 200 et 500 francs burundais par membre (environ 0,13 et 0,31 USD). Le montant de la cotisation sur ce fonds sera ensuite mis de côté. Sous réserve de l’accord des membres, cette somme sera alors utilisée sous forme de dons en cas de situation d’urgence (Ex : dons en participation à l’organisation de funérailles) ou alors sous forme de prêts remboursables à une échéance déterminée. D’ailleurs, les sommes prêtées sont généralement issues du Fonds de Solidarité. C’est notamment le cas lorsque les contributions hebdomadaires sont insuffisantes pour couvrir les montants demandés en cas de difficulté financière. Les prêts provenant du Fonds de Solidarité sont soumis à un taux d’intérêt plafonné à 10 % de la somme prêtée. Les délais de remboursement sont fixés à 6 semaines maximum.

Aujourd’hui, les différentes AVECs sont regroupées au sein d’une organisation faîtière appelée RAVEC, le Réseau des associations Villageoises d’Epargne et de Crédit ; un réseau qui cordonne et supervise leurs activités. Sans la signature conjointe d’un représentant des RAVECs, un AVEC ne peut obtenir un crédit auprès d’un organisme de microfinance telle qu’HEKIMA ; cela même si tous les membres approuvent cette décision. Le RAVEC protège et encadre les membres des AVECs afin d’éviter que leurs commerces ne fassent faillites et de s’assurer que les membres puissent rembourser les crédits octroyés au sein des AVECs.

Les membres des AVECs sont généralement des femmes cheffes de ménage. Ces femmes, qu’elles soient mariées ou non, assurent la survie de leur ménage grâce à leurs petits commerces ; un soutien bien souvent disproportionné. Les AVECs permettent à ces cheffes de ménage de pouvoir rembourser leurs dettes à la semaine et d’avoir accès à des crédits supplémentaires pour tenir leurs commerces. L’objectif de ces associations est de pouvoir aider le maximum de ménages démunis à atteindre l’autonomie financière. En ayant accès à ce type de prêts, ces femmes commerçantes sont désormais capables de faire face aux aléas du quotidien (Ex : vols, fluctuations des prix) et de mieux gérer les accidents de la vie (Ex : maladie). D’ailleurs, certaines cheffes de ménage rejoignent deux ou trois AVECs, essayant ainsi d’avoir un peu plus de fonds pour répondre aux différents besoins et dépenses de leurs ménages.

La vie des femmes non-adhérentes aux AVECs

Pour les femmes cheffes de ménage non-adhérentes aux AVEC, la vie est beaucoup plus précaire. Leurs maris étant aux chômages, pour subvenir aux besoins du ménage, ces femmes comptent sur leurs petits commerces installés au bord de la route (notamment pour échapper aux taxes). Ces activités peuvent entraîner des amendes, arrestations voire emprisonnements ; finalement des situations pénibles (et coûteuses) qui demandent du temps et des ressources pour être résolues. Durant ces situations critiques, les femmes et les personnes à leur charge n’auraient aucun moyen pour subvenir à leurs besoins.

Les enfants vivant au sein de ces ménages vont rarement à l’école ; les parents devant choisir entre payer des frais de scolarité ou avoir des repas au quotidien. De plus, la majorité des ménages vivent sur des parcelles d’autres ménages ou dans de petites maisons comme gardien de chantier en construction. Ces ménages travaillent généralement comme porteurs, transportant des marchandises vers les marchés ou vers les zones de dépôts de marchandises.

Ces activités différencient d’ailleurs les femmes non-adhérentes des femmes adhérentes aux AVECs. Les adhérentes aux AVECs possèdent de petits commerces devant leur maison, dans les rues ou dans des petits marchés de différents quartiers. Non seulement ces femmes membres des AVECs ont en quelque sorte, une meilleure « sécurité physique » (contre la maladie, l’arrestation), mais elles sont aussi capables de développer leurs commerces et ainsi pouvoir atteindre l’autosuffisance et plus tard bénéficier d’une amélioration de leur situation économique et sociale.

Ainsi, les avantages offerts par les AVECs aux adhérents sont évidents. Ces femmes majoritairement pauvres travaillent comme petites commerçantes au sein de l’économie informelle qui représente 70 % de l’activité économique en RDC.

Institutionnaliser les AVECs

Formaliser ou institutionnaliser les AVECs en tant qu’entités légalement reconnues, permettrait à ces associations d’être encore plus efficaces dans leur objectif d’amélioration des ressources et de la qualité de vie des ménages les plus marginalisés de notre société ici en RDC. Cela entraînerait un changement dans la situation financière de ses membres.

De plus, l’accès à des crédits plus élevés aiderait aussi à développer les commerces ou à les élargir à d’autres secteurs. Bien sûr, cela se fera en fonction des ressources dont dispose chaque membre. Enfin, la protection du capital d’investissement au niveau de l’État, permettrait d’assurer une protection sociale aux membres qui passeront d’un statut économique à un autre. Elle encouragerait aussi l’État à créer des coopératives sociales pour que d’autres ménages puissent avoir accès au crédit et ainsi atteindre l’autosuffisance. De cette manière, le gouvernement contribuerait de manière significative au développement économique et social de plusieurs ménages vivant dans la précarité.

Malgré la nature informelle de ces associations, leur formalisation et leur positionnement en tant que mécanismes de protection financière et sociale, faciliteraient la survie des ménages et participeraient au développement économique. Ainsi, la formalisation pourrait être une clé pour la sécurité financière et le développement de ceux qui en ont le plus besoin.


The Idwji Writing Retreat was jointly funded by The Open University’s Strategic Research Area in International Development and Inclusive Innovation and the Centre for Public Authority and International Development (CPAID), LSE.

Photo: Axel Fassio/CIFOR, licensed under creative commons.

About the author

Papy Muzuri

Papy Muzuri

Papy Muzuri is an independent researcher and collaborator with LSE’s Centre for Public Authority and International Development. Papy holds an MA in International Humanitarian Law from Université St Joseph (USJ/Goma) and a Bachelor’s degree in Regional Economic Planning from Institut Supérieur de Développement Rural (ISDR/Bukavu). Previously, he worked for numerous organisations, including the National Commission for Refugees, UNHCR, and the Norwegian Refugee Council.

Posted In: Business | Idjwi Series | Public Authority | Recent | Translations

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